Monday, May 30, 2005

les voix de l'Amour sont impénétrables ...

"Mon Père,

Tous les liens sociaux sont rompus entre nous, il ne reste plus que ceux de la nature. Après mon mari, vous êtes et serez l'être qui me sera le plus cher. Mes yeux se remplissent de larmes, je songe à la peine que je vous cause, mais pour que ma honte ne soit pas publique, pour vous laisser le temps de délibérer et d'agir, je n'ai pu différer plus longtemps l'aveu que je vous dois. [...] Son nom est tellement obscur, que personne ne reconnaîtra votre fille dans Mme.Sorel, belle-fille d'un charpentier de Verrières. Voilà ce nom qui m'a fait tant de peines à écrire. Je redoute pour Julien votre colère, si juste en apparence., Je ne serai pas duchesse, mon père ; mais je le savais, en l'aimant ; car c'est moi qui l'ai aimé la première, c'est moi qui l'ai séduit. Je tiens de vous une âme trop élevée pour arrêter mon attention à ce qui est ou me semble vulgaire. C'est en vain que dans le dessein de vous plaire j'ai songé à M. De Croisenois. Pourquoi aviez-vous placé le vrai mérite sous mes yeux? Vous me l'avez dit vous même à mon retour d'Hyères : ce jeune Sorel est le seul être qui m'amuse ; le pauvre garçon est aussi affligé que moi, s'il est possible, de la peine que vous fait cette lettre. je ne puis empêcher que vous soyez irrité comme père, mais aimez-moi toujours comme ami.
" Julien me respectait. S'il me parlait quelques fois, c'était uniquement à cause de sa profonde reconnaissance pour vous ; car la hauteur naturelle de son caractère le porte à ne jamais répondre qu'officiellement à tout ce qui est tellement au-dessus de lui. Il a un sentiment vif et inné de la différence des positions solciales. C'est moi, je l'avoue, en rougissant, à mon meilleur ami, et jamais un tel aveu ne sera fait à un autre, c'est moi qui un jour au jardin lui ai serré le bras.
" Après vingt-quatre heures, pourquoi seriez-vous irrité contre lui? Ma faute est irréparable. Si vous l'exigez, c'est par moi que passeront les assurances de son profond respect et de son désespoir de vous déplaire. Vous ne le verrez point ; mais j'irai le rejoindre où il voudra. C'est son droit, c'est mon devoir, il est le père de mon enfant. [...] Julien compte s'établir à besançon où il commencera le métier de maître de latin et de littérature. de quelque bas degré qu'il parte, j'ai la certitude qu'il s'élèvera. Avec lui je ne craint pas l'obscurité. S'il y a révolution, je suis sûre pour lui d'un premier rôle. Pourriez-vous en dire autant de chacun de ceux qui ont demandé ma main? Ils ont de belles terres! Je ne puis trouver dans cette seule circonstance une raison d'admirer. Mon Julien atteindrait une haute position même sous le régime actuel, s'il avait un million et la protaction de mon père..."

..................................................................................................................................................

Oui, je sais, ce post est un plagiat éhonté de 2 pages entière de ma lecture de chevet du moment qu'est "le Rouge et le Noir", mais je n'ai pu m'empêcher, à la lecture de cette lettre écrite par Mathilde de la Mole à son père, de la retranscrire sur mon blog, tant je trouve qu'elle représente l'Amour franc et véritable; elle illustre totalement "l'Amour aveugle".
Pour parler en termes totalement théoriquement français, cet extrait dépeint de plus tout à fait l'état d'esprit des romantiques de cette époque là ...

No comments: